Expédition hivernale dans les Fjords Norvégiens.

 

Décembre 2021.

Ces paysages iconiques qu’on nous sert sans cesse sur les réseaux, ces memes paysages qui m’ont donné envie de tenter l’aventure photo il y a maintenant quelques années. Il était temps pour moi d’explorer ce grand nord si convoité. 

Après un arrêt de quelques jours à Copenhague c’est le moment de décoller pour Tromsø. Cette petite ville située à plus de 300 km au nord du cercle polaire est le point de départ de l’aventure. 

Tout commence chez Gunnar & Valentina, un couple d’octogénaires chez qui je vais passer les 2 premières nuits avant d’embarquer sur le bateau. A vrai dire c’est un peu plus qu’un air bnb. Maison traditionnelle au coeur de la ville avec petite chambre privée. L’ambiance est chaleureuse et le contact avec les hôtes est incroyable, le coeur sur la main, une rencontre marquante. Gunnar parle 6 langues dont le français, et il se fait un plaisir de le pratiquer. Dés mon arrivé, il allume le poêle, prend sa carte papier et m’indique les endroits à voir.

Épuisé des transports et des quelques jours ( très ) festifs aux Danemark, je trouve quand meme un peu de motivation pour rejoindre les spots indiqués par mon hôte. Il est 20H, le thermomètre indique -10 et je pars en balade. 

Dehors tout est calme et gelé, il n’y a pas grand monde, les décorations de noel sont partout, la ville est une guirlande géante. N’étant pas un grand fan du suréclairage je dois reconnaitre qu’un charme fou s’en dégage. Je m’aventure dans le centre et sur les hauteurs de la ville accompagné d’un froid sec.

Je retrouve la maison quelques dix kilomètres plus tard avec quelques photos en poche.

Il est temps de faire une sieste…

Le lendemain commence avec le grand classique du touriste polaire, le funiculaire de Fjellheisen et… ça vaut le coup ! 

Nous sommes en décembre, il faut savoir que le soleil ne sort jamais, il y a seulement quelques heures de crepuscule entre 10h et 14h environ alors on garde le chill pour la longue nuit.

La remontée mécanique est à 40 minutes du centre et nous fait passer du niveau de la mer à 420 mètres d’altitude en quelques minutes .

Au sommet on surplombe la ville et les fjords environnants, la vue est peu commune, assez incroyable. Je laisse les photos parler à ma place.

C’est très rapidement que je tombe par hasard sur Clémence, une française que j’ai rencontré la veille dans le bus entre l’aéroport et le centre. La nuit tombe, on passe quelques heures à marcher dans la neige le long de la crête, toujours avec cette vue dingue. Le silence est total.

Il est 15h, nous redescendons vers la ville.  C’est alors que je reçois un message de Soizic qui m’explique que le bateau est à quai et que je peux passer pour boire une bière et en faire la visite. 

Pour l’histoire, Soizic travaille pour Latitude Blanche, une compagnie maritime française spécialisée dans les expéditions polaires. Cette compagnie exploite le Polarfront, un navire météorologique norvégien des années 70 transformé en petite pépite pour accueillir une dizaine de passagers curieux des zones reculées. 

Un grand merci à elle de m’avoir contacté sur instagram pour réaliser cette aventure ! 

J’arrive donc au port et il faut le dire, ce bateau est magnifique, on ne voit que lui. Plus de cinquante mètres de long, je me dresse devant, c’est massif. 

Soizic fait la guide, je découvre les lieux et le staff. Trés bonne impression et vraiment impatient de commencer, l’embarquement sera pour le lendemain 17H.  On enchaine la soirée avec quelques bières dans un bar du centre pour évoquer le voyage et l’itinéraire avec Marie, la guide qui nous accompagne sur cette croisière. 

Le réveil sonne mardi, le ciel est bleu teinté d’un intense rose et c’est sur ces couleurs que commence la dernière journée a terre. 

Au programme, grande balade autour de la ville, complètement excentré, il n’y a personne, sentiment de plenitude. Guidé par la lune presque pleine je parcours les petites rues enneigées à la recherche d’images authentiques. Il y a quelque chose d’intriguant chez les Norvégiens, toutes les maisons sont illuminées en continu, intérieur comme extérieur. Il n’y a ni volets ni rideaux ni stores et personne de visible à l’intérieur, que ce soit de jour ou de nuit. Fascinant !

Les kilomètres s’accumulent et le froid s’installe, évitez les Vans en toile à cette période de l’année :)

Je rentre saluer mes hôtes et récupérer les bagages direction le Polarfront. Le quai est à quelques minutes. C’est alors que je fais la rencontre de Frank, un local pas tout jeune qui fumait sa clope avec son chien prés de son petit bateau en bois décoré façon arbre de noel à l’américaine. C’est en lui demandant du feu qu’on en vient à discuter un bon quart d’heure. Il emmène des groupes de 4/5 personnes pêcher à la journée. Hiver comme été. C’est son business. Le courant passe, il me propose de l’accompagner à bord pour le mois d’aout prochain quand la saison bat son plein. Nous sommes restés en contact et j’avoue y réfléchir. Il y a un coté très addictif dans la vie en mer.

Allez faut bouger, l’apéro va commencer.

J’embarque avec la dizaine de passagers, un groupe de Bretons en pleine forme ainsi que Cécile aka Siqou, une artiste spécialisée en céramiques et inspirée par les régions polaires. 

Après avoir investi la cabine, c’est le moment champagne et présentation du crew, matelos, mécaniciens, stewarts, officiers, commandants et guide. Au total nous formons un jolie de groupe d’environ 25 personnes, tous français et vraiment impatients de découvrir les Fjords. La navigation commence, direction le Skjervoy au nord ! 

Je jette un oeil aux stats du téléphone, Sur les 6 derniers a Copenhague et Tromsø j’ai marché 79 kilomètres et ça fait vraiment plaisir. Le temps de lire 2 pages d’Elkart Tole je m’endors bercé par la mer. 

Mercredi, on se reveille à destination. La journée commence par la recherche d’orques et de baleines, la houle est bien présente, le vent rend l’air glacial. 

Les matelos mettent deux zodiacs à l’eau, on part en mer. Au bout de 5 minutes on est totalement trempés, le matériel photo prend des vagues d’un mètre mais on arrive quand meme à repérer un petit groupe de cétacés. Un régal, sans ironie !

A seulement quelques dizaines de mètres on voit le souffle et les animaux plonger. La petite famille sait qu’on est là et ne semble pas perturbée, bien au contraire. 

Les conditions de luminosité très faible et la vagues n’arrangent pas les prises de vues. Impossible d’obtenir un cliché acceptable. Seuls les yeux garderont souvenirs. Photographiquement il y a clairement une revanche à prendre ! Désolé Soizic :)

Le soir nous partons marcher sur les hauteurs de Skjervoy, direction le bord de mer de l’autre coté des terres. La pleine lune en guise de frontale. Seul un lampadaire flirte avec Siqou. Calme absolu, nous traversons une foret dans un silence complet. Une aurore boréale danse au loin. 

On reste quelques heures prés d’une cabane fraichement construite et parfaitement isolée. Toujours cette lune qui éclaire les Fjords. Le temps se couvre et la neige commence à tomber. Nous retrouvons le bateau pour boire une bière et pécher quelques flétans avant de nous mettre au chaud.

Jeudi matin, nous quittons le quai pour rejoindre la meme zone que la veille, niveau météo ça ne s’arrange pas, le ciel est noir, les perturbations ne rigolent pas dans cette partie du monde. Orques et baleines à bosse sont malgré tout au rendez vous,. Elles se baladent autour du bateau, vraiment tout prés, c’est transcendant. Encore raté pour les photos. 

Il est temps de prendre direction Trollfjord, le plus petit Fjord de Norvège, rien que ça. Le Gulf Stream fait des siennes, pluie, vent, toujours pas de drone envisageable, nous avançons dans la nuit noire. 

On s’occupe comme on peut, pour ma part c’est retouches photo, lecture et préparation du petit road-trip dans les îles Lofoten. 

Vendredi, on dirait bien que le soleil est mort. Mystique à souhait.  Arrivé sur place tu commences à te poser des questions vu la proximité des falaises environnantes.

C’est là que tu vois si ton capitaine est compétant ! On jette l’ancre en plein milieu du fjord, les matelos font descendre les zodiacs et les pédalos arctiques. La mer commence à s’agiter et nous partons explorer les alentours.

Le retour est violent, les vagues se déchaînent, avec Philippe mon partenaire nous peinons à remonter à bord. C’est le moment pour un bain norvégien bien mérité, 42 degrés dedans 0 dehors, pourquoi pas. La navigation reprend et nous continuons à descendre vers le sud pour rejoindre Leknes dans les Lofoten. On rentre dans la perturbation, les vagues se creusent, impossible de se tenir debout pendant de longues heures !

Ok, on attaque le week-end. Le bateau est à quai jusqu’au lendemain. 9AM départ direction Sixt Leknes avec Siqou. Nous marchons quelques kilomètres pour récupérer notre petite Toyota aux pneus cloutés. La ville est déserte, la météo est en folie. Pluie, grêle, vents hyper violents. La plus part des gens détestent ces conditions, je m’en réjouis. Il y a un charme certain et des couleurs uniques grace au ciel chargé. On parle de Moody, certains savent :)

Il n’y a qu’une route pour relier tout l’archipel, la E10. L’une des plus belles que j’ai pu voir dans ma vie. Quelques petits ponts pour évoluer d’îles en îles. Il faut une bonne heure pour rejoindre le sud depuis Leknes.

On traine pas, il nous reste moins de 4h de crepuscule. 

Mis à part un petit groupe de personnes sur la plage notre voyage est clairement solitaire. Désertique, sur la route comme à terre. 

Les kilomètres défilent sous les quatre saisons. Un album de Pink Floyd sur les enceintes. Les paysages changent, l’ambiance est stratosphérique. 

Le potentiel est dingue, plages, chemins, sommets, vagues, refuges… Il faudrait des semaines d’explorations. 

Le truc avec ces spots en hiver c’est qu’il faut être un minimum chanceux et avoir du temps devant soit. Nous n’avons ni l’un ni l’autre mais cela peut changer rapidement.

Petite anecdote je me rappelle un moment, nous dans un tunnel d’environ 3 kilomètres à 90km/h, le ciel est dégagé. On en sort à la même allure quelques minutes plus tard sous une tempête de grêle avec un lit de grêlons et une visibilité à 5 mètres. 

Aussi flippant et dangereux que séduisant !

La balade nous emmène jusqu’au Village de Å prés de Reine. Le temps de faire quelques clichés la nuit est déjà là, nous remontons tranquillement direction le Polarfront. Frustrant mais motivant.

Dimanche, chill intense à bord. La veille c’était Calvados fait maison par le chef mécanicien et il laisse quelques traces. Géographiquement nous n’iront pas plus bas. Navigation cap nord pour rejoindre Svolvær et retourner peu à peu du coté de Tromsø. 

Le temps passe à une allure folle. Le manque de lumière fait perdre les repères. On se laisse tout de meme séduire par ce rythme si différent. Les paysages défilent à travers le hublot. 

Je me motive pour passer du temps et capturer l’environnement du Crew. Cartes, coordonnées gps, boutons et commandes dans tous les sens. On est clairement pas sur un bateau high-tech bourré d’électronique et c’est bien heureux. Cette chose flottante a une âme, c’est palpable.

Autre anecdote, son record de vague est de 27 mètres lorsqu’il était encore employé à la météorologie par les norvégiens - Vingt-sept mètres - Aussi gros que Nazaré au Portugal. Je suis pas sur de me rendre compte. Do you ?

Ceci mis à part, les prévisions boréales sont bonnes. Orage magnétique en perspective. Sur un malentendu ça peut passer. 

La lune est presque pleine et ce n’est pas une bonne chose . L’idée est là meme que pour l’astrophotographie, il faut le minimum de pollution lumineuse. 

Nous arrivons à quai dans la soirée et c’est le départ en solo pour quelques kilomètres autour de Svolvær. Le froid est intense. Je m’excentre pour trouver une vue sur la mer avec les fjords au loin. Le spectacle est au rendez-vous, timide au début avec un léger voile vert dansant., il s’intensifie peu à peu avant d’exploser dans tous les sens. Nuances de vert et de violet. Absorbé dans une forme de méditation, plus de 3 heures passèrent en quelques minutes.

Les mots me manque, on tend à l'inéfable. Tout le monde devrait pouvoir admirer ce spectacle au moins une fois. 

- nuit - 

   - jour - 

La tempête est dernière nous et les bonnes nouvelles tombent ! Notre embarcation se reveille au milieu des fjords pour une nouvelle semaine sous un temps exceptionnel. Mieux vaut tard que jamais. Le vent est faible et le ciel bleu. Le créneau drone c’est maintenant ou jamais. 

-11 au thermomètre, le pilotage est ravissant. Les doigts tiennent le choc et ramènent quelques clichés à bord. 

Nous en sommes environ à 1000 kilomètres parcourus. C’est le dernier jour à bord, dés la nuit tombée nous faisons route vers Tromsø pour le débarquement du lendemain. La dernière journée sera calme, retouches et montage vidéo. Egalement beaucoup de temps passé sur le pont à profiter de cette ambiance ténébreuse avant de retrouver le soleil du sud de la France. Bien qu’on soit 2 jours avant noël, je n’ai aucune envie de partir et je me laisserais bien embarquer pour quelques semaines supplémentaires.

Le voyage s’achève sur une tempête de neige particulièrement violente, le vrai nord est là. Hostile, sublime et unique.

La bonne nouvelle c’est qu’on prépare le prochain trip dans les alentours pour Mars/Avril 2022. Dévoré par l’envie de redécouvrir les lieux en présence du soleil cette perspective m’aide à quitter le pays.

Je reçois le message d’un pot, “ Alors, retour à la réalité ? “

Réponse : “ La réalité c’était là bas, pas ici “

Réalisez vos rêves les amis - No Worries.

A bientôt pour la suite,

  • Clément